Il fut une époque où l’on eût déclaré l’air rouge
du moins son fond et ses particules suspendues
pulvérulence des ires et des insurrections vermeilles
Mais délicat est l’exercice de la pensée qui se loge à fleur
des sentiments, là où pourtant la plénitude de l’être trouve
son essor le plus authentique, la primeur de trente années
à sillonner dans la poix et la glue de l’emploi
du travail et de la marchandise son layon sylvestre
sa voie défrichée parmi d’épaisses absurdités
Quoi que l’on dise la force adverse assujettit par la nécessité
de nos vies bordées et circonscrites dans leur grêle condition
Un peu de rage sourd dans les instants vacillants
menaçant de renverser la bassine où barbottent nos âmes tiraillées
Dans l’éloignement des êtres, l’amitié, qui demeure parmi les traces
premières d’une existence humaine antérieure à l’anthropophagie marchande
et sa sœur dans la communion des mots et des corps
commune dressée sur les tréteaux branlants dans l’aurore
transmutent mieux que l’onction l’isolement en une foi tisonnée en la vie
celle qui n’est que par le lien constellé, hybride et métamorphique de l’autre à soi
Elles confèrent même à certains le feu primesautier et naturel de damer le pion aux conventions serviles
aux mythologies et religions des pouvoirs institués, des rois, des maîtres et des casernes écolières
des candidats électoraux à la prochaine régie du malheur de notre séparation de nous-mêmes
du spectacle ouvrant sur le vide des sophistications imagières
Sans tableau, sans pupitre, rejetons les statuts et les titres
n’adorons que le silence de nos partages et la musique de nos révoltes
Au feu de l’instant et sans préjuger des raisons qui fomentent l’au jour le jour
et l’inexplicable temps où s’ébrouent nos cœurs
renversons nos barrières intérieures
dressons des barricades
et dansons dansons rouges comme les fleurs